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Papiers
8 décembre 2007

Jeu de mains, jeu de vilains

La main est une chose monstrueuse. Si elle n’est pas maitrisée par un esprit dont la rigueur morale n’aurait d’égale que sa propre sagesse, la main peut devenir l’instrument des pires ignominies. Elle prétend dire l’avenir. Elle remplace parfois la parole. Elle palpe, elle touche, elle triture, elle malaxe. Le doigt peut devenir l’arme du sorcier. Il maitrise alors un pouvoir qui échappe au commun des mortels. Il peut aussi finir dans un pot de confiture, dans un nez, dans les rayons d’une roue de vélo, dans un tiroir…

Tous les moyens sont bons pour faire peur aux jeunes ‘‘pouces’’. Les exemples les plus édifiants sont développés à grands renforts de pédagogie. Du petit garçon qui s’est fait mordre les doigts pour avoir snobé l’avis d'une maman qui lui disait de laisser la queue du chien tranquille, à la petite fille dont le nez s'est transformé en ventouse, aspirant son index alors qu'elle s'était obstinée à extraire de façon disgracieuse des matières suspectes de ses narines. Depuis des décennies, un lapin rose en costard jaune ne ménage pas sa peine pour dissuader les petits de coincer leurs doigts dans les portes coulissantes du métro. L’intention du lapin est sans doute noble. J’imagine qu’il a souffert personnellement de ses portes claquantes, qu'un évènement particulièrement tragique s'est s’inscrit dans sa trajectoire personnelle pour qu’il décide un jour de consacrer sa vie à une telle cause.

Mais les intentions sont parfois moins nobles. Elles refoulent la morale chrétienne et agressent les sens, comme le remugle d’une vieille armoire à pharmacie fait froncer les narines. Surtout, surtout, détourner les esprits adolescents de l’exploration anxieuse de ces parties corporelles que la morale réprouve. Etouffer de ces mêmes esprits tout instinct de rébellion, en condamnant l’usage ostensible du fuck envers le proviseur qui aimerait comprendre pourquoi « vous n’ôtez pas vos mains de vos poches jeune homme ? »

Signe des temps : les Raiders©, les deux doigts coupe faim, ont disparu pour devenir des twix©. Sans doute une association de consommateurs s’est-elle plainte que leurs progénitures s'enfonçaient un peu trop régulièrement les poings dans le gosier pour exprimer leur incompréhension face aux refus de choco BN. Car, on ne mange pas avec ses doigts. La main peut se rapprocher de la bouche pour réprimer un bâillement, retenir une toux – car la seule chose plus vulgaire qu’une main, c’est une bouche grande ouverte – mais grand dieu protégez-nous si jamais la main et la bouche devaient rentrer en contact. Et la fâcheuse tendance des gamins à choisir la cuisse du poulet ne donne aucun passe-droit. Ils n’ont qu’à comprendre rapidement que le blanc est le meilleur morceau.

La main est donc une vilaine chose et les jeux de mains de vilains passe-temps. Pourtant, une main c’est joli. Quand elle virevolte de touches noires en touches blanches, quand elle travaille une pâte brisée, quand elle écrit sur une page, quand elle caresse une chevelure. Et même que parfois elles sont deux ! Avec une lampe et un mur blanc, c’est alors des souvenirs d’enfance qui rejaillissent. Regardez donc ce qui suit. Petit instantané de magie à consommer sans modération.

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