Dimanche
Les dimanches sont des journées sans
lumière.
De tous les jours de la semaine, le dimanche
arrive dernier. Le naze ! Il baisse le rideau, annonce la semaine suivante
et en général cela n’incite guère à la franche rigolade. Il n’y a que pendant
les vacances qu'il mérite un peu d’estime. Il arrive alors à se hisser
à la hauteur des autres jours et on en oublie qu’il est dimanche. C’est
tous les jours samedi et c’est funky.
Cela ne dure pas. Il redevient vite
complètement dénué d’intérêt. Pour compenser, le dimanche se sent obligé de
faire l’intéressant. Il arbore ostensiblement un « di » que les
autres jours ont préféré accrocher à leur traîne. Il y a ainsi dans « sa - me - di »
une musicalité qui incite à l’élan, à la motivation.
En revanche, le morne ordonnancement de ses syllabes fait sonner « Dimanche »
comme un début d’engueulade. Le dimanche, c’est le gros nuage lourd qui vient
assombrir le ciel limpide de la semaine.
Alors que la Lune a choisit le lundi, Vénus
le vendredi, dimanche se voit, en grande pompe, décerné le titre de « jour
du seigneur ». Mon intention n’est pas de sombrer dans l’anticléricalisme
primaire. Mais ayant vécu pendant près d’un an à moins de 20 mètres des cloches
d’une des plus grande cathédrales gothiques du monde, j’ai eu le temps d’apprécier
ce que le « jour du seigneur » pouvait faire peser sur l’horloge
biologique d’un parfait athée. Le tintinnabulement monstrueux qui annonce la
messe, aux heures où Téléfoot n’est même pas commencé, frise l’indécence. Dis
donc Dieu (je te tutoie aussi, tu permets) ? Je n’ai peut-être pas été
très sérieux depuis ma première communion, mais je ne me rappelle pas t’avoir
jamais fait chier alors que tu pionçais ! Ce n’est pas toi qui avais
décrété que ce jour devait être consacré à la spiritualité ? Comment veux-tu que je puisse rêver à quoi que ce soit dans tout ce tintamarre ?
Le dimanche est donc une journée qui
commence à 11h avec Téléfoot et qui se termine à 15h quand il n’y a plus que Drücker.
Il reste bien l’Equipe du Dimanche sur canal+ mais n’ayant pas canal, ça va
juste me faire détester un peu plus ce crâneur de voisin qui regarde l’émission
fenêtres ouvertes en plein décembre. J’exagère, il ne tient qu’à soit d’éviter
les dimanche devant la télévision. Deux ou trois coups de fil et l’affaire est
pliée :
« Désolé mec, j’peux pas,
j’vais manger dans la famille ce midi, je ne serais pas là de la journée. »
« Ouais, nan, en fait on va
faire les casaniers et se regarder un documentaire animalier en mangeant des
bonbons sous la couette, j’te propose pas de venir hein »
« Ba c’est-à-dire que demain
c’est lundi, je dois préparer ma semaine. Et on se voit samedi prochain de
toute façon »
« Je ne suis pas disponible
pour le moment mais laissez moi un message et j… »
Vers 19h, c’est le coup de fil de maman. Là,
y’a plus de doute, le grondement sourd et sinistre du lundi, c’est pour dans
bientôt. Je profite du réconfort chaleureux de la voie d’une maman qui a la
délicatesse d’attirer mes pensées quelques jours en arrière. On se raconte nos
semaines, et aussitôt le combiné raccroché, dimanche reprend ses droits. Je
suis trop vieux maintenant pour pouvoir avaler un Playmobil, le contenu d’un
tube de dentifrice et attendre les premiers signes de maladie, en espérant que la
douleur ne sera pas trop vive. Cette bêtise ne
devait déjà à l’époque pas valoir la peine d’affronter la colère de mes parents.
Je préférai coller mes joues contre la fenêtre, pour que le froid de la nuit
environnante me happe. Lorsqu’à 21h les premières fièvres n’étaient toujours pas
arrivées, que les parents restaient insensiblement froids aux plaintes d’un
gamin inquiet de ne plus entendre son cœur, la prière devenait un ultime
recours. Et déjà Dieu se distinguait par son égoïsme. Jamais, les prières
vibrantes du petit garçon que j’étais ne l’attendrir. Faudra pas faire l'étonné après...
Non, vraiment, le dimanche est un jour sans lumière.
La transition
est hasardeuse, mais vous trouverez ci-dessous une autre excellente raison de
préférer le samedi.