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Papiers
7 avril 2008

Mon voisin le chieur II

Dans un papier précédent, je vous racontais comment, une nuit de juillet, mon voisin vint incruster sa mauvaise humeur dans une soirée qui jusque là était en tout point parfaite. L’irruption quelques minutes plus tard de deux mecs en rangers jeta un froid sur l’ambiance bouillonnante de la rue Cozette (et de tout Henriville, si j’en crois les remontrances que ne tardèrent pas à m’adresser les deux messieurs bleu marine). Recevoir la visite de flics qui vous intiment l’ordre « d’aller au lit maintenant monsieur » n’a finalement rien d’extraordinaire. Aujourd’hui, je considère même que c’est un passage obligé, une sorte de rite initiatique qu’il faut surmonter une fois dans sa vie. Et puis ça fait des souvenirs.

Comme je n’ai pas la tronche d’un type qui dissimule des boulettes de shit dans le fond de ses poches et qu’il m’arrive rarement de conduire au-delà des limitations de vitesse (ou même de conduire tout court…), mes rapports avec les forces de l’ordre étaient quasi nuls jusqu’à ce soir du mois de juillet de ma 28e année. Aussi, lorsqu’un pote a hurlé « hey Guillaume ramène toi c’est la famille ! » et que je me suis retrouvé nez à nez avec la police, j’ai quand même un peu flippé. D’autant que l’ordre et la raison s’incarnaient ce soir là dans la voix d’un inquiétant caporal qu’on aurait dit à peine rentré de Dien Bien Phû. Je le sentais presque motivé pour réécrire, dans l’espace confiné de cet appartement, une nouvelle issue à la bataille. J’ai donc encaissé les mots qu’il a assénés, me demandant comment j’allais pouvoir payer l’amende qu’il me promettait, sans annuler les vacances de cet été.

Neuf mois plus tard, l’amende n’est toujours pas arrivée et les vacances ont été géniales. Elle n’a sans doute jamais existé cette amende, et le moment d’angoisse s’est transformé en un souvenir amusant. C’est vrai qu’il n’y avait rien de dramatique. Je manquais de recul à l’époque, mais la situation était assez classique et connue. Maintenant, avez-vous déjà été réveillé par des flics qui vous intiment l’ordre « d’aller bosser maintenant monsieur » ? J’imagine que c’est le quotidien des Cubain et des Coréens qui n’entendent par leur réveil, mais en France ?

    Un mercredi, il est 5h20 du matin et mon appartement est secoué par des tremblements que je jurerai venir du cœur de la Terre. L’activité sismique en Picardie étant assez faible, je tends un peu l’oreille pour finalement discerner une voie puissante m’ordonnant « pour la dernière fois d’ouvrir cette porte ». Je saute de mon lit pour me retrouver nez à nez avec quatre flics. Être réveillé à 5h du matin par la météo de Jacques Collado, c’est déjà un truc ignoble. Mais c’est un océan de douceur à côté de la lame de fond qui se levait pour ne plus tarder à déferler. « Non mais vous vous foutez du monde ? Ça fait 5 minutes qu’on cogne à votre porte ! Vous aviez l’intention d’ouvrir quand ? Toute la ville entend votre radio monsieur ! On a reçu des plaintes de l’autre côté de la rue ! Mais pour qui vous vous prenez ? C’est pas possible, vous êtes complètement sourd ? »

Comme j’aurais aimé connaître le langage des signes en cet instant précis pour lui dessiner un OUI avec mes doigts ! Le seul geste de doigt que je connaisse n’aurait rien arrangé. Je l’ai donc laissée poursuivre – oui car c’est une femme qui s’adressait à moi en ces termes – pendant au moins deux bonnes minutes. Je ne peux pas placer le moindre mot. Elle me travaille au corps et enchaîne les mots comme des uppercuts. Elle est accompagnée de trois petits jeunes, genre stagiaires, qui ne mouftent pas et en qui je commence à voir de potentiels alliés tant ils semblent impressionnés par leur patronne. J’essaye de décoller mes paupières soudées par le sommeil. Je réalise que je suis pieds nus, que mon caleçon est vert et que de petits koalas en écharpe y font du ski comme des débiles, que sur mon t-shirt un clébard encule une botte... Vous savez, ces dessins rigolos dont les Têtes Raides adorent décorer leurs albums ? Je crois que je viens d’en comprendre le sens caché. Bref, la situation n’était guère à mon avantage et ces deux minutes me furent nécessaires pour analyser la situation et essayer de comprendre ce qui était en train de m’arriver.

Il est 5h23. Les flics prétendent cogner à ma porte depuis 5h18. Mon réveil se déclenche à 5h00. Henriville a donc entendu France info pendant 20 minutes. Pour que les flics arrivent vers 5h20, un voisin les a appelé dés 5h05 - 5h10. Il n’y a aucun mystère sur l’identité dudit voisin : il n’y avait que Bruno et moi dans l’immeuble ce soir là. Une simulation organisée l’après-midi m’a permis de constater que la radio est inaudible depuis l’extérieur, et donc à fortiori depuis les maisons d’en face… Bruno a eu raison. Si il était venu frapper à ma porte pour tout simplement me demander de couper ce réveil qui l’empêchait de dormir, je n’aurais probablement pas compris et mon réflexe aurait été de lui tendre un tire-bouchon. La situation aurait alors dégénéré et nous en serions venu aux mains. Il était donc beaucoup plus simple d’appeler les flics, histoire de ne pas se faire chier. Et je saurais, grâce à lui, quelle est la procédure d’usage lorsqu’un radiologue de retour de garde me réveille en prenant sa douche en pleine nuit, et que son ballon d’eau chaude chante le dernier tube de Mika.

Moi : Je vous demande pardon, je ne comprends pas. Je n’ai pas entendu mon réveil. Je vais bosser, je dois prendre un train à 6h05. Et je n’ai pas entendu mon réveil…

Le pitbull : Mais comment c’est possible ça ? Vous êtes bouché ? [Je résiste à l’envie de lui expliquer qui semble la plus coincée de nous deux mais ça me brûle les lèvres]

Moi : Je ne comprends pas madame, je dois être crevé. Je suis sincèrement désolé. J’ai des grosses journées en ce moment.

Le pitbull : Mais moi aussi monsieur, et c’est par pour ça que j’emmerde le monde [sic]. Vous travaillez dans quoi ?

Moi : Je suis enseignant.

Le pitbull : Et vous me dites que vous avez des grosses journées ?

Moi : [Ah la petite vicieuse… elle m’a touché… Serre les dents Guillaume, ne déconne pas ! ] Oui.

Le pitbull : Ah bon ? [Silence, expression méprisante…]

Moi : Oui. Je ne voulais pas nuire à mon voisinage, c’est juste une maladresse, j’ai du merdouiller en réglant mon réveil hier soir. [Petit sourire compatissant du jeune à côté qui doit jouer le rôle du gentil flic]

Le pitbull : C’est inadmissible, vous n’êtes pas seul au monde monsieur ! Si jamais j’ai encore la moindre plainte, je serais obligée de relever le tapage nocturne.

Moi : Oui, excusez moi je suis vraiment désolé.

Le petit jeune : Allez bonne journée monsieur, et allez vous excuser auprès de vos voisins ! [Petit sourire]

Je n’ai pas pensé lui demander si il fallait que je fasse du porte à porte dans tout Henriville. Aussi sonné que si un puissant rouleau m’avait rejeté sur une plage de l'Atlantique, j’ai sauté dans un jean pour piquer un sprint jusqu’à la gare. Une idée ne m’a plus quitté de la matinée : et si j’étais un de ces odieux voisins qui rendent la vie impossible à leurs semblables ? Non… mon voisin n’est pas mon semblable. Il régurgite la bile dont son foie est gorgé depuis que ce mal-être de vire à plus d’une heure de la capitale lui a saisi les tripes. Derrière sa face cireuse ne transparait pas le moindre signe de sympathie. Mon voisin est un dangereux. Si vous connaissez un petit coin sympa sans Bruno...

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Commentaires
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Allez Caliméro, je t'invite dans mon p'tit coin d'paradis. J'y ai certes un Bruno, mais on peut lui faire sa fête à coup de nains de jardin. ça te dit...??!!
L
...contre un coin de parapluie, car après tout la reciproque est possible. Une chance pour toi d'être en Picardie, dont l'usage de ce genre d'objet est très fréquent...Je suis sûre que ce coin de paradis sans TON Bruno existe...Mais attention les Brunos sont partout, même quand tu penses être au paradis. Viens chez nous je vais te présenter le notre, ...de Bruno, facho, radin, raleur, procédurier, egoiste ( dont l'unique plaisir est de passer sa tondeuse TOUS les dimanche d'avril à Octobre le matin à 8h30 et de reprendre vers 14h ce même dimanche)Hmmmm!!! Effectivement on pourrait en écrire des tonnes, mais ce filon là, c'est le tien, et il me regale vraiment, ne change rien (sauf le volume de ta chaine ;))<br /> Pour le coin de Paradis, il existe, l'herbe s'y tond sur coussin d'air, les canisses y sont ensemblées de la plus belles des façons et la pluie rappelle les nuits tropicales.
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