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Papiers

1 juillet 2008

Comment se faire du pognon fastoche ?

En mettant au défi n'importe qui de manger trois petits beurres en moins d'une minute...

Petits florilèges de réactions : "Prépare l'oseille" "Boaah ça ne doit pas être si sorcier que ça ?" "Je suis sûr que j'le fais" "Bougez de là les amateurs" "Fais péter les ptits Lu" etc. etc.

Nous étions tous persuadés de venir facilement à bout de ces biscuits sans intérêt. Merci les amis pour ce défi stupide mais qui nous aura bien fait rigoler.

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3 mai 2008

BranVan 3000 - Drinkin in L.A.

7 avril 2008

Mon voisin le chieur II

Dans un papier précédent, je vous racontais comment, une nuit de juillet, mon voisin vint incruster sa mauvaise humeur dans une soirée qui jusque là était en tout point parfaite. L’irruption quelques minutes plus tard de deux mecs en rangers jeta un froid sur l’ambiance bouillonnante de la rue Cozette (et de tout Henriville, si j’en crois les remontrances que ne tardèrent pas à m’adresser les deux messieurs bleu marine). Recevoir la visite de flics qui vous intiment l’ordre « d’aller au lit maintenant monsieur » n’a finalement rien d’extraordinaire. Aujourd’hui, je considère même que c’est un passage obligé, une sorte de rite initiatique qu’il faut surmonter une fois dans sa vie. Et puis ça fait des souvenirs.

Comme je n’ai pas la tronche d’un type qui dissimule des boulettes de shit dans le fond de ses poches et qu’il m’arrive rarement de conduire au-delà des limitations de vitesse (ou même de conduire tout court…), mes rapports avec les forces de l’ordre étaient quasi nuls jusqu’à ce soir du mois de juillet de ma 28e année. Aussi, lorsqu’un pote a hurlé « hey Guillaume ramène toi c’est la famille ! » et que je me suis retrouvé nez à nez avec la police, j’ai quand même un peu flippé. D’autant que l’ordre et la raison s’incarnaient ce soir là dans la voix d’un inquiétant caporal qu’on aurait dit à peine rentré de Dien Bien Phû. Je le sentais presque motivé pour réécrire, dans l’espace confiné de cet appartement, une nouvelle issue à la bataille. J’ai donc encaissé les mots qu’il a assénés, me demandant comment j’allais pouvoir payer l’amende qu’il me promettait, sans annuler les vacances de cet été.

Neuf mois plus tard, l’amende n’est toujours pas arrivée et les vacances ont été géniales. Elle n’a sans doute jamais existé cette amende, et le moment d’angoisse s’est transformé en un souvenir amusant. C’est vrai qu’il n’y avait rien de dramatique. Je manquais de recul à l’époque, mais la situation était assez classique et connue. Maintenant, avez-vous déjà été réveillé par des flics qui vous intiment l’ordre « d’aller bosser maintenant monsieur » ? J’imagine que c’est le quotidien des Cubain et des Coréens qui n’entendent par leur réveil, mais en France ?

    Un mercredi, il est 5h20 du matin et mon appartement est secoué par des tremblements que je jurerai venir du cœur de la Terre. L’activité sismique en Picardie étant assez faible, je tends un peu l’oreille pour finalement discerner une voie puissante m’ordonnant « pour la dernière fois d’ouvrir cette porte ». Je saute de mon lit pour me retrouver nez à nez avec quatre flics. Être réveillé à 5h du matin par la météo de Jacques Collado, c’est déjà un truc ignoble. Mais c’est un océan de douceur à côté de la lame de fond qui se levait pour ne plus tarder à déferler. « Non mais vous vous foutez du monde ? Ça fait 5 minutes qu’on cogne à votre porte ! Vous aviez l’intention d’ouvrir quand ? Toute la ville entend votre radio monsieur ! On a reçu des plaintes de l’autre côté de la rue ! Mais pour qui vous vous prenez ? C’est pas possible, vous êtes complètement sourd ? »

Comme j’aurais aimé connaître le langage des signes en cet instant précis pour lui dessiner un OUI avec mes doigts ! Le seul geste de doigt que je connaisse n’aurait rien arrangé. Je l’ai donc laissée poursuivre – oui car c’est une femme qui s’adressait à moi en ces termes – pendant au moins deux bonnes minutes. Je ne peux pas placer le moindre mot. Elle me travaille au corps et enchaîne les mots comme des uppercuts. Elle est accompagnée de trois petits jeunes, genre stagiaires, qui ne mouftent pas et en qui je commence à voir de potentiels alliés tant ils semblent impressionnés par leur patronne. J’essaye de décoller mes paupières soudées par le sommeil. Je réalise que je suis pieds nus, que mon caleçon est vert et que de petits koalas en écharpe y font du ski comme des débiles, que sur mon t-shirt un clébard encule une botte... Vous savez, ces dessins rigolos dont les Têtes Raides adorent décorer leurs albums ? Je crois que je viens d’en comprendre le sens caché. Bref, la situation n’était guère à mon avantage et ces deux minutes me furent nécessaires pour analyser la situation et essayer de comprendre ce qui était en train de m’arriver.

Il est 5h23. Les flics prétendent cogner à ma porte depuis 5h18. Mon réveil se déclenche à 5h00. Henriville a donc entendu France info pendant 20 minutes. Pour que les flics arrivent vers 5h20, un voisin les a appelé dés 5h05 - 5h10. Il n’y a aucun mystère sur l’identité dudit voisin : il n’y avait que Bruno et moi dans l’immeuble ce soir là. Une simulation organisée l’après-midi m’a permis de constater que la radio est inaudible depuis l’extérieur, et donc à fortiori depuis les maisons d’en face… Bruno a eu raison. Si il était venu frapper à ma porte pour tout simplement me demander de couper ce réveil qui l’empêchait de dormir, je n’aurais probablement pas compris et mon réflexe aurait été de lui tendre un tire-bouchon. La situation aurait alors dégénéré et nous en serions venu aux mains. Il était donc beaucoup plus simple d’appeler les flics, histoire de ne pas se faire chier. Et je saurais, grâce à lui, quelle est la procédure d’usage lorsqu’un radiologue de retour de garde me réveille en prenant sa douche en pleine nuit, et que son ballon d’eau chaude chante le dernier tube de Mika.

Moi : Je vous demande pardon, je ne comprends pas. Je n’ai pas entendu mon réveil. Je vais bosser, je dois prendre un train à 6h05. Et je n’ai pas entendu mon réveil…

Le pitbull : Mais comment c’est possible ça ? Vous êtes bouché ? [Je résiste à l’envie de lui expliquer qui semble la plus coincée de nous deux mais ça me brûle les lèvres]

Moi : Je ne comprends pas madame, je dois être crevé. Je suis sincèrement désolé. J’ai des grosses journées en ce moment.

Le pitbull : Mais moi aussi monsieur, et c’est par pour ça que j’emmerde le monde [sic]. Vous travaillez dans quoi ?

Moi : Je suis enseignant.

Le pitbull : Et vous me dites que vous avez des grosses journées ?

Moi : [Ah la petite vicieuse… elle m’a touché… Serre les dents Guillaume, ne déconne pas ! ] Oui.

Le pitbull : Ah bon ? [Silence, expression méprisante…]

Moi : Oui. Je ne voulais pas nuire à mon voisinage, c’est juste une maladresse, j’ai du merdouiller en réglant mon réveil hier soir. [Petit sourire compatissant du jeune à côté qui doit jouer le rôle du gentil flic]

Le pitbull : C’est inadmissible, vous n’êtes pas seul au monde monsieur ! Si jamais j’ai encore la moindre plainte, je serais obligée de relever le tapage nocturne.

Moi : Oui, excusez moi je suis vraiment désolé.

Le petit jeune : Allez bonne journée monsieur, et allez vous excuser auprès de vos voisins ! [Petit sourire]

Je n’ai pas pensé lui demander si il fallait que je fasse du porte à porte dans tout Henriville. Aussi sonné que si un puissant rouleau m’avait rejeté sur une plage de l'Atlantique, j’ai sauté dans un jean pour piquer un sprint jusqu’à la gare. Une idée ne m’a plus quitté de la matinée : et si j’étais un de ces odieux voisins qui rendent la vie impossible à leurs semblables ? Non… mon voisin n’est pas mon semblable. Il régurgite la bile dont son foie est gorgé depuis que ce mal-être de vire à plus d’une heure de la capitale lui a saisi les tripes. Derrière sa face cireuse ne transparait pas le moindre signe de sympathie. Mon voisin est un dangereux. Si vous connaissez un petit coin sympa sans Bruno...

5 avril 2008

Mr Toutlemonde

« De toute façon, les goûts et les couleurs… » Oui, ils sont tous dans la nature. Et alors qu’on ne nous a jamais demandé notre avis, il faudrait faire avec. Il serait même interdit d’en parler puisque les goûts et les couleurs, c’est bien connu, ça ne se discute pas. Il semble donc devenu impossible de rejeter aujourd’hui un auteur, un courant artistique ou un style musical sans atteindre dans leur chaire celles et ceux qui y voyaient une source de plaisir et d’intelligence. Je ne parle pas de l’artiste. Lui il s’en fout. Je suis sûr qu’il ressent même du plaisir à la lecture d’une critique négative, puisque finalement elle lui rappelle qu’il est connu. Je parle de Mr Toutlemonde. De celui qui dans les soirées pollue mon espace sonore en foutant le dernier album des Enfoirés ou en répandant ses diarrhées verbales sur Dantec, Houellebeck ou de je ne sais quel autre Povmec, griffonneur de papier au style anémié qu’il kiffe grave. Dés lors, si je me surprends à dire  « putain mais qu’est-ce que c’est que cette merde ?? », sans savoir que cette merde c’est le dernier album des Enfoirés et qu’elle paye des tentes aux squatteurs des ponts de Paris, il faut que je m’attende à passer pour un espèce de gros con intolérant, égoïste et donc antipathique.

Passer pour antipathique auprès d’un fan de Pascal Obispo, de Muriel Robin ou de n’importe lequel des membres du parti des vertueux des Resto du Cœur ne me dérange pas. Offusquer Pascal Obispo en personne m’amuserait même beaucoup. Mais hélas, ce n’est pas comme si mon avis avait de l’importance pour lui, donc la question n’est pas là. C’est passer pour quelqu’un d’intolérant auprès de l'une de ces personnes qui me gène davantage. Déjà, les Resto du Cœur commence méchamment à me gonfler avec leur sirop de bonheur. Voir la clique des promoteurs d’albums indigents se réunir aux comiques de la génération carambar m’indisposent. Et les voir monopoliser la case générosité dans l’espace public encore plus. Ils donnent un soir de salaire aux SDF, et cela devrait les dérober à toute forme de critique les autres soirs de l’année. Et puis quoi encore ?

« Qu’est-ce que tu fais toi pour pouvoir critiquer ? » dirait Mr Toutlemonde. Rien. Justement, je subis. Et face à ce genre de réponse, il est peut-être vain de vouloir argumenter. Au-delà de la confusion qui s’opérait dans la tête de Mr Toutlemonde entre les intentions louables des Enfoirés (quoique…) et la qualité médiocre du produit fini, j’en venais à douter de l’utilité de dépenser de l’énergie pour défendre l’idée qu’il existe une liste de critères objectifs définissant le Beau. Et qu’il y donc des gens avec des goûts de chiottes. Et que j'aimerai ne pas être obligé de faire avec quand ses gens me les impose sous le nez. Je manque de tolérance, ainsi soit-il.

Alors la tolérance est-elle vraiment une vertu ? La question semble inutile car la réponse évidente : oui. Envisager qu’il puisse en être autrement, alors que notre société l’assimile au besoin de reconnaissance des droits universels de l’homme et au respect des libertés fondamentales, constitue en soit une prise de position difficile à tenir en public. C’est comme une course à handicap. J’aurais trop peur de manquer d’armes conceptuelles et de céder devant les lapalissades du premier enfonceur de portes ouvertes venu.

Mais j’ai chaque jour davantage l’impression que le terme de tolérance se détache de la grande idée qu’il prétend recouvrir. Tolérer la différence d’être ou de penser, c’est finalement la tenir à distance. Et une distance assez raisonnable pour que cette différence ne nous atteigne plus. On la laisse vivoter avec une note de condescendance et d’indulgence tant qu’on peut la maintenir à l’écart. Je me fais une autre idée du respect d’autrui et de sa liberté. Et ce n’est pas parce que je rejette ses goûts que je souhaite les voir disparaître. C’est bien parce que la différence est si enrichissante qu’il faut s’y frotter et parfois même lui tordre le cou. Lorsqu’une idée, une saveur, une couleur monopolise l’espace, elle en expulse toutes les autres. La critiquer relève de l’intolérance uniquement car elle est devenue l’idée dominante. Mais c’est précisément cette idée dominante qui est en train de façonner un bloc monolithique, sans aspérité. Le paradoxe : la tolérance est devenu un concept mou au nom duquel il sera bientôt impossible d’exprimer une différence… Je me réjouis qu’il y ait eu des hommes et des femmes pour parfois ne pas tolérer.

Ces derniers temps rien ne m’énervait. Rien ne m’agaçait. Ma plume était émoussée et mon inspiration tarie. Face aux pages blanches de mon traitement de texte préféré, je restais sans idée sombre, calme et apaisé, incapable d'écrire quelque-chose de méchant. Il aura suffit d’un Mr Toutlemonde pour que je sente à nouveau l’acidité sur ma langue. Je lui dédie donc cette mise en abîme sans saveur ni talent qui lui ira si bien.

1 avril 2008

Mon voisin le chieur

Lorsqu’arrive le vendredi soir, la lourde porte rouge qui indique le 19 rue Cozette à Amiens tourne difficilement sur ses gonds. La faute aux immondices dont la fente postale a été gavée depuis le lundi, jusqu’à régurgitation. Ces prospectus publicitaires qui étouffent la planète en la privant de ses forêts font désormais barrage pour m’empêcher de rentrer chez moi. Au milieu des catalogues de promo, des cartes de rebouteux et des tracts électoraux se glissent parfois une facture, un avis d’imposition ou une carte postale… L’usage entre locataires veut que le premier levé dispose le courrier de chacun par piles sur les marches de l’escalier. A ce jeu, c’est toujours moi qui ai la plus grosse. Le petit cérémonial illustrerait à merveille les liens de bon voisinage que les escaliers étriqués des maisons amiénoises peuvent contribuer à nouer. Il n’en est rien. J’ignore jusqu’au visage de mes voisins, et le seul que je sois capable de reconnaître dans la rue est un chieur.
 

Je ne sais pas grand-chose sur lui. Juste qu’il roule en Nissan. Pas l’un de ses gros 4x4 dont les parkings des CHU sont remplis, mais un petit pot de yaourt couleur mauve, immatriculé dans le sept cinq. Il le gare sous mes fenêtres, sans me demander mon avis, et s’y réfugie le soir pour passer ses appels téléphoniques. Pendant un temps j’ai imaginé qu’il avait une double vie. En fait, le réseau n’atteint pas son deux pièces rez-de-chaussée sans fenêtre donnant sur cour humide (on ne rit pas, j’ai le même !). Sa petite gymnastique m'a permis de construire une image : morne ordonnancement d'une tignasse poisseuse couronnant un corps sans noblesse, un mètre soixante-cinq d'un physique rablé, visage déclinant toute la gamme des gris... En particulier là où, sous ses yeux de cocker, deux énormes cernes creusent des terrils. L’examen du tas de courrier hebdomadaire m’a permis d’en apprendre un peu plus.

Il s’appelle Hakim. Laissez moi vous dire qu’il a tout sauf une tête d’Hakim. C’est plutôt le genre de mec qu’on a envie d’appeler Gérard. Ou Bruno. Voilà… une bonne tête de Bruno. Ne vous méprenez pas sur mes intentions. Je n’ai rien contre les gens qui s’appellent Bruno ! Ne les accablons pas, c’est déjà bien assez qu’ils aient un prénom de merde. Et encore moins contre ceux qui s’appellent Hakim. C’est juste que mon Bruno d’en face me fait penser à ce personnage campé par Gad Elmaleh, originaire du Maghreb, responsable d’une grosse entreprise et qui commence « une cure de désintoxication de lui-même » afin de réprimer tous signes d’appartenance culturelle à cette région du monde.
 

« Oh allez pète un coup Didier ! », dit un pote à Bruno, qui en fait s’appelle Hakim, mais que nous aurions tout aussi bien pu appeler Gérard (il faut suivre, attention). Bruno venait de nous menacer d’appeler les flics si l’on continuait à faire du bruit, faisant valoir par quelques gestes nerveux ses dix années de boxe française. Bon, il était 2h00 du matin, il bossait sans doute le lendemain, peut-être même dés le matin. Difficile de le blâmer sur le fond. Nous faisions du bruit, c’est indéniable. C'est plutôt la forme qui était agaçante. L'alcool dont nous étions imbibé, l'insouciance d'une chaude nuit d'été et l'envie de chanter les vacances arrivées n'allaient rien arranger pour le dénouement du drame qui se tramait.

En deux ans, Bruno n'était venu cogner à mon huis qu'à deux reprises. A chaque fois pour que je lui prête un tire-bouchon. Un type qui vient m’emprunter un presse-purée, une poche à pâtisserie ou un clou de girofle, je le trouve sympa. Ça sent le gars à l'arrache qui se déchire pour épater son amoureuse. Et à l’évidence c’est aussi un doux rêveur si il pense que je suis le genre de mec à avoir un presse-purée. Bruno lui il vient pour emprunter un tire-bouchon... Et il me fait le coup deux fois en deux ans ! Alors déjà, qu’on n’ai pas de tire-bouchon chez soit, c’est grossier. Mais qu’en deux ans on n’ai toujours pas vu l’intérêt de s’en offrir un, c’est carrément indécent.

Bruno n'aime pas jouer les papillons de nuit. Je ne savais pas encore qu'il prenait un malin plaisir à les écraser. Pour finir il a seulement pété un neurone. Un petit quart d’heure plus tard, les flics sont venus reformuler de façon beaucoup plus convaincante la requête que Bruno avait déposé sans réussite. C'était la seule soirée dont il ai eu à se plaindre en deux ans. Il était dans son bon droit, je n'avais rien à dire. J'ai donc laissé passer la bourrasque moralisatrice bleu marine qui s'est alors déchainée, baissant la tête et serrant les dents pour ne pas l'envoyer se faire foutre. Bruno a mis un terme à une soirée remplie de rires, d'amour et de chansons, la veille d'un départ pour la Corse. Il aurait pu y participer pour peu qu’il se soit souvenu de la chaleur et des couleurs de son pays d’origine. Bruno préfère entretenir une correspondance soutenue avec le grand Ordre des médecins. Service radiologie. Il semble même avoir été intronisé au grade d’interne… Depuis ce soir là, je suis un peu plus convaincu qu'il n'existe de spécialité plus impersonnelle que la radiologie. Dans cette sous-branche de la médecine, le progrès exige que l’on foute les malades dans des boites en fer pour en ressortir leur profil complet : vie sexuelle, consommation alimentaire, antécédents familiaux sur les douze dernières générations. Et sans qu’il soit nécessaire d’établir de contact physique avec le médecin. Bruno a donc décidé d’être ce genre de toubib, ceux qui s'intéressent moins aux patients qu'à leurs maladies. Ils les bichonnent, les prennent sous leur meilleur profil, s’émerveillent de la taille de cette tache brune au niveau du deuxième lobe frontale... Vous me trouvez un peu acrimonieux ? Certes, mais vous ne savez pas encore tout...

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20 mars 2008

Night on earth

Terre_vue_du_ciel

    Allez, inaugurons une nouvelle catégorie de messages sur ce blog où la poussière commence à coloniser les lignes ... Je conjure le syndrome de la page blanche en postant cette image exceptionnelle. Le procédé est un peu facile. Etant donné l'image en question, c'est tout sauf du remplissage. Les satellites de la NASA font donc dans la poésie. Bon voyage.

21 janvier 2008

L'âme soeur par sms

    Une dimanche soir devant la télé. Le vibreur du portable brutalise le bonzaï et trois feuilles tombent sur le plateau de verre, mortes avant que je puisse décrocher.

« Renvoie vite le mot DATE au 81250 pour savoir quand tu rencontreras ton âme sœur »

    Dis donc machin... Sais-tu le temps et la délicatesse qu'il me faut consacrer à ce petit ficus pour qu'il survive aux errements de la météo picarde, au plomb des nappes phréatiques ou à la maladresse des potes bourrés ? Et ces trois pauvres petites feuilles qui s'accrochaient farouchement à leur branche serait le présage d'une passion imminente ?

   

    Alors d’une, je prend le temps que je veux. Je ne sais pas qui vous êtes pour vous permettre ce style trop direct et autoritaire pour un dimanche soir, mais je ne suis pas à quelques secondes près. D'une, mon âme sœur - si elle est vraiment mon âme sœur – pourra souffrir que je termine mon assiette de nouilles avant de me lancer à sa recherche. De deux... Y'a pas de deux ! Mais je serais curieux de savoir comment vous avez obtenu mon numéro. Je ne participe à aucun jeu télévisé, je ne le laisse sur aucun site Internet, je ne réponds jamais au concours stupides grâce auxquels j’aurais parait-il accumulé trois voitures neuves, quatre voyages au bout du monde et environ 45 000 euros, à venir retirer au plus vite dans je ne sais quel bureau de poste du pays de Oui-Oui.


    Alors comment avez-vous fait monsieur le médium ? Et comment pouvez-vous être si sûr que je ne l’ai pas déjà rencontrée mon âme sœur ? Imaginez un peu que vous envoyiez ce genre de message à de jeunes amoureux baignant dans le bonheur, et que la lecture de votre sms les plonge subitement dans le doute. Une belle histoire fracassée par votre manque de délicatesse, petit faiseur de joie.

    Sans compter qu’il est complètement débile de révéler la date d’une rencontre sans en préciser le lieu… Imaginons un homme ou une femme désespérés au point de confier leurs vies à un sms. Ça leur ferait une belle jambe de savoir qu’ils vont rencontrer l’âme sœur le 22 septembre à midi, si ils ne savent pas où… A l’angle de la rue Lenoir et de l’impasse du Suicide, voilà une information essentielle : ils pourraient y planter une tente et attendre, dans l’espoir vibrant que l’âme sœur se pointerait. Et s'ils tombaient nez à nez avec chacun un sac sur le dos, ça serait alors le début d’une grande histoire. Ou je ne m’y connais pas… Là, il y aurait un peu de poésie dans vos messages et vos intentions.

    A quoi bon continuez à m'entretenir avec vous alors que vous n’êtes sans doute pas une équipe de médiums. Ni chapeaux pointus, ni robes marines constellées d’étoiles. Ma supplique raisonne dans les circuits imprimés d’un ignoble ordinateur... Les milliers de rêveurs naïfs qui répondent fébrilement à cette annonce ne se doutent pas qu’un engin au coeur de métal balance froidement des dates de rencards aux quatre coins de la France sur la base d’une vague loi de probabilité.

    J’ai pourtant eu envie de leur répondre. Et alors qu’une petite enveloppe pixellisée déployait ses ailes pour s’élever à travers le ciel azuré de l'écran de mon portable, je savourais ma bêtise en espérant que le petit mot bien choisi ferait planter le serveur des petits censeurs de joie du 81250.


« Désolé mais BOUFFON n'est pas une réponse valide. Merci de réessayer. »

Il serait peut-être temps de grandir un peu quand même...

8 janvier 2008

GR 20 - 6 mois plus tard

mozaique

    Il y a six mois tout juste, nous partions randonner sur le plus beau sentier d'Europe. J'ai retrouvé dans un vieux sac plastique une paire de sandalettes oubliées. Je les y avais piégées le temps d'un voyage de retour dans l'espace confiné d'un TER Méditerranée. L'idée était de frotter ces saloperies à l'eau javel, afin d'en chasser à jamais les odeurs à faire fuir les cochons sauvages. Et je ne vous parle pas des randonneuses allemandes, puisque nous n'en avons pas croisées de toute la randonnée, sans qu'il soit possible d'établir un lien de cause à effet implacable.

    Bref, cette découverte m'a rappelé l'idée originale d'un des randonneurs qui pensait utile de rendre public la composition du sac, une fois la randonnée accomplie. Autant la composition du sac au départ est essentielle, doit faire l'objet d'une mûr réflexion, suite à la collecte d'avis et d'information variées, autant l'état du sac au retour me semblait être un élément sur lequel il était moins vital de communiquer. Grosse erreur ! Si je m'étais intéressé à mon sac ces six derniers mois, sans doute y aurais-je retrouvé tout au fond, avec les sandalettes sacrifiées, les vieux papiers de Grany et le sable des plages de Campo Moro. Petite plongée en apesanteur dans les poches de ce compagnon fidèle, qui a pris sa retraite internationale de sac de randonnée depuis, mais que je me refuse à jeter tant on a souffert ensemble et tant il a été exemplaire de courage.

    Onzième étape. Détour colossal par le site de I Pozzi, bien connu des géographes pour avoir donné son nom aux pozzines, ces formations aquatiques creusées par l'écoulement des eaux de la fonte des glaces sur les épais tapis herbeux d'altitude. La mise à jour des albums photo ci-contre vous permettra de vous faire une idée. Précisons juste que le berger du coin avait, dans son cabanon, des clubs de golf pour tromper l'ennui de temps en temps, et vous aurez une idée précise de la qualité du gazon. Le bonheur d'y marcher pieds nus... Durant cette pause, il fallu opérer le sac Quechua sur la table crasseuse de la bergerie, au milieux des brocciu en maturation et des bruits d'animaux. La fermeture éclaire venait de rendre l'âme après un énième va-et-viens. Et là, c'est le drame... Impossible de refermer le sac, impossible de continuer avec un sac ouvert. Alors que le Cirque de la Solitude et les dénivelés des premiers jours n'étaient pas venus à bout de mes jambes, je me suis vu un instant rentrer à la maison pour cause de couture foutue... Un gros coup de pieds dans le tas de bois (que j'ai regretté aussitôt et pendant quelques heures après) mit au courant mes camarades du drame qui se nouait, ainsi que notre sympathique berger qui su trouver les mots pour me réconforter :

"Ah ba c'est mort, là vous ne pouvez rien faire. Ce type de matériel produit en série c'est de la camelotte. Un bon cuir de buffle, ça pue mais ça tient..."

    J'étais à deux doigts de créer un incident diplomatique avec la Corse toute entière quand Kev sortit de son sac un arsenal de sangles, d'épingles à nourrice, de scotch, tous ces trucs que l'on pensait inutiles et qui devenaient en un éclair ma plus belle chance de salut. Une suture parasagital a finalement été aposée et l'ensemble sanglé, façon vieux saucisson. Et à condition de répéter la manœuvre fastidieuse jusqu'au 14e jour, ça devrait tenir. Il a tenu. Impensable qu'il finisse donc à la poubelle.

Il a même rapporté ce qui suit :

- Une tente Quechua T2 avec un tendeur en moins (Marco l'a utilisé comme outils pour retirer les sardines)
- Un sac de sardines en titane mais tordues quand même (Marco a shooté dedans)
- Un matelas Mc Kinley crevé
- Un sac de couchage trop chaud trop gros trop lourd qui pue
- Des chaussures de randonnée Salomon usées, explosées, détruites
- Des sandales TEVA irrécupérables (les fameuses qui ont su se faire oublier dans leur emballage hermétique)
- Un short FortAlp sans bouton
- Un short Aigle élimé aux fesses
- Trois paires de chaussettes aux odeurs toxiques
- Des slips sales
- Des t-shirts noirs mais sales quand même
- Une polaire nauséabonde
- Une cape de pluie dans son emballage d'origine, pliée, nickel...
- Des lunettes de soleil un peu plus rayées encore
- Une trousse de toilette incomplète
- Des boites de compeed vides
- Deux rouleaux de sparadra vides
- Trois sachet de thé
- Vingt grammes de pâte
- Une vieille barre Grany en miette et deux abricots secs
- Un guide topo GR20 gondolé et corné
- Une popotte sans les couverts et sans la pince
- Un réchaud sans gaz
- Des bouteilles de Pietra
- Un fromage corsé... (même le chien a vomi)

Mon sac, mon ami, je te dédie ce modeste texte et mes pensées, 6 mois plus tard, vont vers toi.

6 janvier 2008

Dimanche

Les dimanches sont des journées sans lumière. 

De tous les jours de la semaine, le dimanche arrive dernier. Le naze ! Il baisse le rideau, annonce la semaine suivante et en général cela n’incite guère à la franche rigolade. Il n’y a que pendant les vacances qu'il mérite un peu d’estime. Il arrive alors à se hisser à la hauteur des autres jours et on en oublie qu’il est dimanche. C’est tous les jours samedi et c’est funky. 

Cela ne dure pas. Il redevient vite complètement dénué d’intérêt. Pour compenser, le dimanche se sent obligé de faire l’intéressant. Il arbore ostensiblement un « di » que les autres jours ont préféré accrocher à leur traîne. Il y a ainsi dans « sa - me - di » une musicalité qui incite à l’élan, à la motivation. En revanche, le morne ordonnancement de ses syllabes fait sonner « Dimanche » comme un début d’engueulade. Le dimanche, c’est le gros nuage lourd qui vient assombrir le ciel limpide de la semaine.  

Alors que la Lune a choisit le lundi, Vénus le vendredi, dimanche se voit, en grande pompe, décerné le titre de « jour du seigneur ». Mon intention n’est pas de sombrer dans l’anticléricalisme primaire. Mais ayant vécu pendant près d’un an à moins de 20 mètres des cloches d’une des plus grande cathédrales gothiques du monde, j’ai eu le temps d’apprécier ce que le « jour du seigneur » pouvait faire peser sur l’horloge biologique d’un parfait athée. Le tintinnabulement monstrueux qui annonce la messe, aux heures où Téléfoot n’est même pas commencé, frise l’indécence. Dis donc Dieu (je te tutoie aussi, tu permets) ? Je n’ai peut-être pas été très sérieux depuis ma première communion, mais je ne me rappelle pas t’avoir jamais fait chier alors que tu pionçais ! Ce n’est pas toi qui avais décrété que ce jour devait être consacré à la spiritualité ? Comment veux-tu que je puisse rêver à quoi que ce soit dans tout ce tintamarre ?

Le dimanche est donc une journée qui commence à 11h avec Téléfoot et qui se termine à 15h quand il n’y a plus que Drücker. Il reste bien l’Equipe du Dimanche sur canal+ mais n’ayant pas canal, ça va juste me faire détester un peu plus ce crâneur de voisin qui regarde l’émission fenêtres ouvertes en plein décembre. J’exagère, il ne tient qu’à soit d’éviter les dimanche devant la télévision. Deux ou trois coups de fil et l’affaire est pliée :

« Désolé mec, j’peux pas, j’vais manger dans la famille ce midi, je ne serais pas là de la journée. » 

« Ouais, nan, en fait on va faire les casaniers et se regarder un documentaire animalier en mangeant des bonbons sous la couette, j’te propose pas de venir hein »

« Ba c’est-à-dire que demain c’est lundi, je dois préparer ma semaine. Et on se voit samedi prochain de toute façon » 

« Je ne suis pas disponible pour le moment mais laissez moi un message et j… »

Vers 19h, c’est le coup de fil de maman. Là, y’a plus de doute, le grondement sourd et sinistre du lundi, c’est pour dans bientôt. Je profite du réconfort chaleureux de la voie d’une maman qui a la délicatesse d’attirer mes pensées quelques jours en arrière. On se raconte nos semaines, et aussitôt le combiné raccroché, dimanche reprend ses droits. Je suis trop vieux maintenant pour pouvoir avaler un Playmobil, le contenu d’un tube de dentifrice et attendre les premiers signes de maladie, en espérant que la douleur ne sera pas trop vive. Cette bêtise ne devait déjà à l’époque pas valoir la peine d’affronter la colère de mes parents. Je préférai coller mes joues contre la fenêtre, pour que le froid de la nuit environnante me happe. Lorsqu’à 21h les premières fièvres n’étaient toujours pas arrivées, que les parents restaient insensiblement froids aux plaintes d’un gamin inquiet de ne plus entendre son cœur, la prière devenait un ultime recours. Et déjà Dieu se distinguait par son égoïsme. Jamais, les prières vibrantes du petit garçon que j’étais ne l’attendrir.

Faudra pas faire l'étonné après...

Non, vraiment, le dimanche est un jour sans lumière.

La transition est hasardeuse, mais vous trouverez ci-dessous une autre excellente raison de préférer le samedi.

3 janvier 2008

Nouvelle scène

Ah la nouvelle scène française ! Ces artistes qui osent se parer du titre de chanteurs à textes, revendiquant le monopole du verbe. Ces maestro de la plume, plume qu’ils n’hésiteront pas à se foutre dans le cul pour peu que cela devienne à la mode avant la fin de l’année. Je ne sais pas ce qui est le plus indécent : que vous osiez-vous prétendre chanteur ou que vous affirmiez savoir écrire ? Si l’on s’en tient à la définition rigoureuse du petit Larousse, il semblerait que les Bénabar, Renan Luce, Grande Sophie et autres Ridan aient le droit de se considérer comme des chanteurs. Finalement, ils récitent des mots qui riment dans un micro, sur une mélodie et en rythme, pour les plus brillants d’entre eux. Quand tant d’autres brament, ils chantent. Et même plutôt juste. L’effort mérite d’être souligné. Les orchestrations sont assez pauvres, mais dans le semi désert de la production française, ils ressemblent à des oasis d’innovations. Et la jeunesse alternative et festive vient s’y abreuver. Tout n’est pas à jeter d’ailleurs. Bénabar a su écrire quelques textes bien sentis et sur ces premiers albums accrocher l’auditeur. Mais peut-on décemment considérer ces gratteux comme des chanteurs à texte, quand leur seul talent est d’avoir mis trois notes de musique sur les petites choses du quotidien dont tout le monde se branle ? Exemple :

« On appelle, on s’excuse, on improvise, on trouve kek’chose, on a qu’à dire à tes amis qu’on les aime pas et pi tant pis ! Allez viens on n’y va pas, on a qu’à se cacher sous les draps, on commandera des pizzas toi la télé et moi ! »

Bon… Je n’ai pas retenu grand-chose des cours d’orthographe - car oui, cher lecteur, aussi difficile à croire que cela puisse te paraître, j’ai essayé dans mes jeunes années d’apprendre l’orthographe - il subsiste donc dans mon cerveau de vastes no man’s land où se perdent parfois un « s », un « t », un accord des participes passés ou un subjonctif. Mais s’il y a bien une chose dont je suis sûr, c’est que « on est un con » ! Je vous laisse compter le nombre de cons rencontrés entre le lit et la télé de Bénabar. Il y a 40 ans, en France, chantaient Georges Brassens, Léo Ferré ou Jean Ferrat... Boris Vian avait déjà écrit Le Déserteur. Maxime Leforestier n’avait pas encore vendu son âme à la Starac et chantait Parachutiste. Au crépuscule des années 70, un minot à casquette allait cracher Hexagone. Ce type de chanson n’existe pas ailleurs qu’en France. En tout cas pas autant. La chanson engagée et contestataire dans les pays anglo-saxons a été assumée par des courants marginaux, du punk au hip-hop. Pas par de la variété grand publique. Ce qui faisait l’originalité, la substantifique mœlle de la chanson française est en train de disparaitre depuis que le contenu des frigo ou du sac à main des filles est devenu une source d’inspiration intarissable. 


« Ah mais pour contester, il reste Zazie ou Luke ou Damien Saez quand même… »

Qu’un adolescent pense cela, ok… Il a encore le temps de mesurer l’étendu de son malheur. Dans quelques années il souhaitera que les trois tireurs d’ambulance susnommés en prennent pour 100 ans de prison ferme et insonorisée ! Alors quoi ? La chanson française c’était mieux avant ? J’en ai bien peur. Ceci étant, les talents ne manquent pas, mais la chanson française a changé. Elle est moins corrosive, moins provocatrice, moins dérangeante. Le talentueux Delerm le dit lui-même : la chanson n’est pas le meilleur terrain pour contester. Ce n’est pas son truc. Le génial Thomas Fersen préfère les bestiaires fabuleux, les personnages baroques et les situations romanesques aux injustices sociales et à la politique. Idem pour Camille. Pour autant, ces trois là enchainent les albums excellents. Noir Désir n’est plus… Il reste bien les Têtes Raides pour gueuler un peu, mais la chanson s’aseptise elle aussi peu à peu. Elle n’est pas épargnée par une lame de fond qui touche la société toute entière. "On" est peut-être déjà un vieux con, mais en reécoutant ce qui suit, il ne peut que le regretter.

26 décembre 2007

Row

Seulement une vidéo... c'est Noel, y'a plus d'épisode de Heroes, donc je fais aussi la grève de la plume. Mais quelle vidéo ! Petit travail d'animation d'un jeune créateur américain sur une musique de Jon Brion, Row, point d'orgue de la bande originale du film de Michael Gondry : Eternal Sunshine of the Spotless Mind


22 décembre 2007

Liste

J'aime écrire de gros pavés, observer les vieilles pierres, enfoncer les portes ouvertes, l’anticonformisme chez les autres, Desproges et Coluche, les causes vaines, les clichés, Noel, faire brûler des bougies, les feus de cheminée l’hiver, les nuits d'été, les filles, Nathalie Portman (à qui je payerai bien une grenadine), les princesses, les grenouilles, la méiose, les fricassées de champignons, les vins rouges capiteux et les petits fromages agressifs, une côte de bœuf saisie par des braises ardentes, les spaghetti, les westerns spaghetti, les vieux greniers, les marronniers du lycée François Truffaut, les fleurs des champs, la rhubarbe, les grands espaces naturels, le silence des hauteurs, la mer sans moteur, les étangs sans chasseur, les forêts sans 4x4, les bonzaïs (in memoriam), l'eau qui coule, les pierres qui roulent, les sons saturés, le grand Georges Brassens, fouiner chez Gibert, avoir un folio corné dans la poche, commencer dix bouquins pour n’en finir aucun, R.L. Stevenson et Jack London, le Pianoktail et Boris Vian, Gainsbarre et Gainsbourg, voyager en première classe, les photos de classe, les amitiés indéfectibles, les soirées de la collocation métro Goncourt, de Morue ou du Bissap, les petits cinés improvisés, Chewi et Han Solo, Indiana Jones et son chapeau, les pistolets sans cartouche, les Etats-Unis sans G.W. Bush, lire Le Monde une fois par mois, les terrasses aux heures d’affluence, vibrer pour un évènement sportif et voir des athlètes pleurer, refaire le solo de Sweet Child O'Mine sur le manche de ma raquette de tennis, les jeux de mains et les jeux de vilains, celles et ceux qui, avec un micro, un pinceau, un crayon, une guitare ou une plume nous livrent le tumulte assourdissant de leur cerveau.

 

Je n'aime pas un graffiti sur une pierre centenaire, les dimanches après-midi, l'inventeur des ouvertures facile sur les paquets de gruyère, les salsifis, les cabines d'essayage, les boites de nuits, les imbéciles heureux qui sont nés quelque-part ("Quand sonne le tocsin sur leur bonheur précaire, contre des étrangers tous plus ou moins barbares, ils sortent de leur trou pour mourir à la guerre, les imbéciles heureux qui sont nés quelque part" © Brassens), les anti-foot, l'anti-américanisme primaire, les pisses-chagrins, la semoule au lait, ceux qui s'enorgueillissent de ne jamais voter, les gens qui disent "ne pas aimer la musique", les bits, les bats et les boums qui pulsent à travers le subwoofer de ta Seat Ibiza customisées, le babibel, (qui est une insulte pour le fromage comme Michel Sardou est une insulte pour la musique), Michel Sardou, les cravates, le téléphone, les porteurs de gourmettes, un arbre mort, un sac plastique sur une plage, Puvis de Chavanne, les emplois du temps serrés, ma tendance à remettre au mois prochain ce qui aurait pu être fait dans la seconde, le conflit, la télévision qui peut produire le meilleur mais nous habitue au pire, le filet O'Fish du Mc Do.

 

10 décembre 2007

Syd Matters - Someday we will foresee obstacles

Découvert en 2003 avec A Whisper And A Sigh, Syd matters aura mis à peine deux ans pour obtenir à la fois la reconnaissance de ses paires et du public. Ce deuxième album, Someday we will foresee obstacles confirme toutes les bonnes dispositions du bonhomme, qui ne rechigne pas à traîner sa bosse aux quatre coins de l'Europe pour y distiller sa musique limpide et subtile. Elle coule sur nos oreilles comme un fluide réparateur. Ce disque est un savant dosage entre rock progressif, folk, country. Les mots qu'il évoque ? Douceur, calme, quiétude, innocence, intimité... Et puis équilibre.

Car cette oeuvre est un modèle d'équilibre. Les accords folks, les bruitages électroniques tissent une toile dans laquelle on se laisse attraper. Obstacles nous saisit d'entrée pour une montée en apesanteur, To all of you, splendide ballade, nous empêche de redescendre trop vite. Une douceur pour les oreilles et on se laisse bercer, porté par les courants ascendants. Le design très réussi ajoute à une atmosphère déjà singulière. Drôle de brume d'où semble émerger les antennes d'une drôle de machine volante ? Une planète éloignée ? Les lampadaires d'une bordure d'autoroute du nord de la France ? Toujours est-il que les dessins loufoques des disques de Syd matters invite à l'escapade onirique au moins autant que sa musique. Assumant des références à Radiohead et Nick Drake, ce disque est celui de la confirmation. On tient avec Syd Matters un artiste avec lequel il va falloir désormais compter. Il se taille une place au soleil du rock indie, place que son talent l'appelait naturellement à occuper un jour.

8 décembre 2007

Jeu de mains, jeu de vilains

La main est une chose monstrueuse. Si elle n’est pas maitrisée par un esprit dont la rigueur morale n’aurait d’égale que sa propre sagesse, la main peut devenir l’instrument des pires ignominies. Elle prétend dire l’avenir. Elle remplace parfois la parole. Elle palpe, elle touche, elle triture, elle malaxe. Le doigt peut devenir l’arme du sorcier. Il maitrise alors un pouvoir qui échappe au commun des mortels. Il peut aussi finir dans un pot de confiture, dans un nez, dans les rayons d’une roue de vélo, dans un tiroir…

Tous les moyens sont bons pour faire peur aux jeunes ‘‘pouces’’. Les exemples les plus édifiants sont développés à grands renforts de pédagogie. Du petit garçon qui s’est fait mordre les doigts pour avoir snobé l’avis d'une maman qui lui disait de laisser la queue du chien tranquille, à la petite fille dont le nez s'est transformé en ventouse, aspirant son index alors qu'elle s'était obstinée à extraire de façon disgracieuse des matières suspectes de ses narines. Depuis des décennies, un lapin rose en costard jaune ne ménage pas sa peine pour dissuader les petits de coincer leurs doigts dans les portes coulissantes du métro. L’intention du lapin est sans doute noble. J’imagine qu’il a souffert personnellement de ses portes claquantes, qu'un évènement particulièrement tragique s'est s’inscrit dans sa trajectoire personnelle pour qu’il décide un jour de consacrer sa vie à une telle cause.

Mais les intentions sont parfois moins nobles. Elles refoulent la morale chrétienne et agressent les sens, comme le remugle d’une vieille armoire à pharmacie fait froncer les narines. Surtout, surtout, détourner les esprits adolescents de l’exploration anxieuse de ces parties corporelles que la morale réprouve. Etouffer de ces mêmes esprits tout instinct de rébellion, en condamnant l’usage ostensible du fuck envers le proviseur qui aimerait comprendre pourquoi « vous n’ôtez pas vos mains de vos poches jeune homme ? »

Signe des temps : les Raiders©, les deux doigts coupe faim, ont disparu pour devenir des twix©. Sans doute une association de consommateurs s’est-elle plainte que leurs progénitures s'enfonçaient un peu trop régulièrement les poings dans le gosier pour exprimer leur incompréhension face aux refus de choco BN. Car, on ne mange pas avec ses doigts. La main peut se rapprocher de la bouche pour réprimer un bâillement, retenir une toux – car la seule chose plus vulgaire qu’une main, c’est une bouche grande ouverte – mais grand dieu protégez-nous si jamais la main et la bouche devaient rentrer en contact. Et la fâcheuse tendance des gamins à choisir la cuisse du poulet ne donne aucun passe-droit. Ils n’ont qu’à comprendre rapidement que le blanc est le meilleur morceau.

La main est donc une vilaine chose et les jeux de mains de vilains passe-temps. Pourtant, une main c’est joli. Quand elle virevolte de touches noires en touches blanches, quand elle travaille une pâte brisée, quand elle écrit sur une page, quand elle caresse une chevelure. Et même que parfois elles sont deux ! Avec une lampe et un mur blanc, c’est alors des souvenirs d’enfance qui rejaillissent. Regardez donc ce qui suit. Petit instantané de magie à consommer sans modération.

4 décembre 2007

Andrew Bird, un drôle d'oiseau

Un jour d'avril à Paris. Un drôle d'oiseau déambule dans les traverses qui ceignent les flancs de la butte Montmartre. Andrew Bird, plus habitué à jouer les hommes orchestres derrière ses multiples pédales, se ballade. Il a délaissé son violon, son xylophone pour ne garder qu'une Gibson au cou et faire concurrence aux oiseaux. Il passe devant des vignes et on en oublierait presque Paris. Les touristes observent vaguement, prêtent une oreille distraite. Un béotien de la pire espèce se permettra même de klaxonner, menaçant le charme précaire tissés par les accords de guitare. Andrew Bird sifflote dans le vent printanier et sur une petite place, le temps semble soudain suspendu. Il termine Spare-Ohs sous les yeux émerveillés des quelques chanceux qui prenaient l'air. Les applaudissements retentissent et les pigeons peuvent à nouveaux se faire entendre. Un petit instantané de magie à partager. Merci à la blogothèque pour leurs merveilleux concerts à emporter.

2 décembre 2007

L'élue

Son corps délicieusement galbé occupe mes pensées depuis maintenant plusieurs mois. Je me rappelle la première fois où nous nous sommes vus. J'étais incapable de détourner mes yeux gris du bleu magnétique dont elle s'était parée. Sur un concours de circonstances, nos regards se sont croisés : j'ai tourné la tête - pour une raison que j'ignore toujours - et elle se tenait là, pâle et légère, attendant quelque chose appuyée sur la rampe d'un vieil escalier, un soir d'été indien qui tirait méchamment vers l'hiver. C'est ainsi qu'elle m'est apparue, à travers le reflet lumineux d'une vitre. Ce genre de truc n'arrive que dans les films et je ne l'aurais jamais abordée si j'avais été dans mon état normal ce soir là. Nos regards auraient fini par se séparer, après quelques secondes d'éternité. Un destin différent l'aurait finalement emmenée et jamais nous ne nous serions revus. J'aurais peut-être sorti les poings de mes poches pour allumer une cigarette, tiré quelques bouffées en songeant à Clint Eastwood afin de retrouver la contenance du solitaire ténébreux, puis la belle aurait rejoint le contingent des Passantes chantées par Georges Brassens. Mais après beaucoup de relations platoniques et beaucoup moins de passions éphémères, mes espoirs étaient autres.

Du premier rendez-vous, la belle n'aura pas conservé un souvenir impérissable. Quelques minutes partagées dans la lumière feutrée d'un salon privé, un léger jeu de séduction... Si ces préliminaires étaient déjà chargés d'espoir, il était impensable qu'elle se satisfasse de ces maigres secondes de frisson. Quelques jours plus tard mon téléphone sonnait pourtant : la proposition d'un second rendez-vous. Mon cœur se mit à battre la campagne.

Un manche délicat en érable, un corps taillé dans l'aulne, l'ensemble laqué d'un vernis reflétant un bleu frissonnant. Les mensurations laissent songeur : 99 cm de longueur, 42 mm au sillet, 658 mmau diapason, trois micros Fender Custom ‘69 Single-Coil Strat, avec plots étagés restituant à merveille le son stratocastérien, tant dans les graves que dans les aigues, un sélecteur à cinq positions et un vibrato Vintage pour davantage de plaisir. Cette petite merveille méxicaine n'a rien à envier aux américaines. Et tout ça pour jouer Come as you are de Nirvana. Si c'est pas donner de la confiture à un cochon...

19 novembre 2007

A partir de quand fait-on son âge ?

J’ai vingt-sept ans. Selon l’expression consacrée, je me dirige donc vers mes vingt-huit ans. En réalité, je ne me « dirige » pas. Je suis poussé inexorablement vers cet horizon sans espoir de retour. J’écris cela sans anxiété. Les dates d’anniversaires les plus redoutées correspondent davantage à des multiples de cinq : vingt-cinq ans, trente ans. Puis à des multiples de dix, à mesure que les années passent : quarante ans, cinquante ans… Comme si les barrières imaginaires que représentent ces chiffres ronds demandaient un effort particulier pour être franchies, un effort si violent qu’il en coûte un peu plus à chaque fois, le genre d’effort qui laisse une emprunte indélébile dans la chaire : une première ridule, puis une ride, puis un premier grain de sel dans les cheveux, voir un premier cheveux dans le potage… Les gens sont donc moins stressés à l’idée d’avoir vingt-huit ans que vingt-cinq. Mais c’est tout de même assez paradoxal non ?

Vingt-huit ans, c’est cinq ans de moins que le Christ (mais plus pour très longtemps). C’est aussi un an de plus que Kurt Cobain, Jimmy Hendrix et Jeff Buckley. Un an de plus que Janis Joplin, Jim Morisson ou Brian Jones. Tous sont morts au zénith de leur vie, durant leur vingt-huitième année, qui d’une overdose dans la piscine, qui de l’impossibilité d’avaler son vomis, qui d’une balle de revolver dans le caisson. Les chroniqueurs en mal d’inspiration n’ont pas traîné pour s’emparer du phénomène et créer l’axiome suivant : « Une légende du rock’n’roll meurt durant sa vingt-huitième année. » Sinon elle ne devient jamais légende. Alors il va falloir renoncer à ce statut qui me tendait pourtant les bras…

Mais comment savoir si j’ai bien la tête d’un type de 28 ans ? A partir de quand « fait-on son âge » ? Expression étrange. L’autre soir, j’ai accompagné ma frangine dans les bars de Rennes où jadis j’allais gaspiller mes propres nuits étudiantes. J’aime bien ses amis, j’aime bien les bars et il n’y avait donc aucune raison de bouder l’occasion. Durant cette soirée, je me suis un peu senti comme « pas à ma place. » J’ai l’impression d’être le même étudiant qu’il y a 4 ans. Mon style vestimentaire n’a pas changé. J’écoute la même musique depuis des années, je pratique le même humour douteux avec les mêmes amis, dont certains ont d’ailleurs tellement aimé leurs années de fac qu’ils y sont toujours. J’ai peut-être les cheveux un peu mieux coiffés, mais en gros ma tête est restée la même. Ce soir-là, j’avais pourtant l’impression d’être échoué au milieu d’une fête de lycéens. Non que les conversations étaient inintéressantes, au contraire. Mais je voyais tout ces mecs et toutes ces filles exagérément jeunes. Et il n’y a pas que des désavantages à sembler un peu plus vieux, un peu plus posé, un peu plus mâture que la moyenne des gens qui vous entourent : les filles vous gratifie d’un sourire, d'un regard. Cela contribua à me détendre alors que je réalisais doucement que je n’allais plus tarder à vieillir…

Sur le chemin du retour, j’ai pensé à un truc : les élèves que j’ai eu en début de carrière ont fait cette année leur entrée à la faculté. Et pour ces jeunes là je les fais, mes vingt-huit ans. Aucun doute qu’ils puissent me voire comme l’étudiant qu’ils n’ont jamais connu. Ils auraient beaucoup de peine à se le représenter, étant donné la nature de la relation que nous avons entretenue dans la salle 106 du lycée Robert de Luzarches. Coup de vieux !

Mardi dernier, je marchais d’un pas rapide pour aller capter l’unique train de la journée en ces périodes troublées de grève des cheminots. Passant devant les grilles d’un lycée privé au moment de la sonnerie de 8h00, un homme d’un certain âge, qui pouvait être le proviseur, m’aperçu au loin. Il se mit à frapper en rythme dans ses mains et m’interpella de la façon suivante : « Allez jeune homme on se dépêche un peu ! Ça a sonné et vous êtes en retard ! » Un rapide coup d’œil aux alentours confirma que c’était bien à moi qu’il s’adressait. Arrivant à sa hauteur, je répondis tout souriant : « J’adorerais pouvoir rentrer, mais mes élèves m’attendent. » Il réalisa aussitôt sa maladresse et eu presque envie de me prendre dans ses bras pour s’excuser. Un sourire benêt barrait mon visage alors que je laissais le vieillard devant sa grille. Le pauvre y a sûrement repensé toute la journée, se remémorant avec nostalgie l’époque où les gens lui donnaient aussi dix ans de moins. Le coeur aussi léger qu'un cartable de lycéen, je me suis acheté un magazine à la con pour le voyage.

12 novembre 2007

Playlist alternative

La chanson d'un dimanche à la con Mercury Rev – Hole / La chanson pour déclencher une bagarre Led Zep - Communication Breakdown / Une chanson pour interrompre la bagarre Portishead - Glory Box / La chanson de la première boom Scorpions - Wind of change / La chanson de rage adolescente Radiohead – Creep / Le solo de guitare qui tue Gun’s & Roses - Sweet Child O’ Mine / La chanson live Neil Young - Hey Hey My My (into the blue, out of the black) / La chanson engagée Boris Vian - Le déserteur / La chanson subversive The Velvet Underground - I’m waiting for a man / La chanson qu’on crache comme un vilain mot Georges Brassens - Les oiseaux de passage / La chanson des potes The Dandy Warhols - Get off / La chanson pour faire le clown Littles Rabbits - La mer / La chanson de la résolution Bruce Springsteen - Thunder Road / La chanson pour tracer la route Creedence Clearwater Revival - Fortunate son / La chanson pour faire danser les filles The Blues Brothers - Sweet Home Chicago / La chanson pour faire danser LA fille Marvyn gaye - Let’s get it on / La chanson qui casse les couilles Mika - Grace Kelly / La chanson du grenier Jean Sablon - Vous qui passez sans me voir / La chanson allongé dans l’herbe The Shins - New Slang / La chanson honteuse Joe Dassin - La fleur aux dents / La chanson amie du petit déjeuner The Rolling Stones - She’s a rainbow / La chanson copine pour toute la vie Love - Alone again or / Lou Reed - Perfect day / Simon & Garfunkel - Bridge over troubled water / The Stranglers - Golden Brown / Neil Young - Only love can break your heart / The Turtles - Happy Together / Une chanson pour que les invités décollent enfin... Jacques Dutronc - Il est 5h, Paris s'éveille / La chanson qui fait mal parce qu’elle est partie Ben Harper - Another lonely day / La chanson à écouter défoncé David Bowie - Space Oddity / La reprise mais qui a un ptit truc en plus Claudine Longet - God only knows [The Beach Boys] / La chanson pour dire au revoir Jacques Higelin - Je ne peux plus dire je t’aime / La chanson pour dire bonne nuit The Dandy Warhols - Sleep

29 octobre 2007

Les cornichons dans les hamburgers

Quelle merveilleuse invention que le hamburger ! Une tranche de viande reconstituée entre deux tranches de pains, des crudités, de la sauce. Voilà sans doute la nourriture la plus sophistiquée que l’homme ait créée. Si c’est aux Américains que le hamburger doit une grande partie de sa notoriété, il n’en reste pas moins un authentique produit des appétits gargantuesques de nos amis d’outre-Rhin. En effet, alors que les habitants de Frankfort avaient déjà imaginé les nombreux plaisirs qu’une saucisse nappée de moutarde peut procurer à l’homme (le frankfurter, devenu aujourd’hui hot-dog), que les Berlinois, pour satisfaire leur passion de la pâtisserie et combattre le froid pinçant de leur contrée, avaient déjà inventé le berliner (espèce de beignet très léger fourré de confiture), les habitants de Hambourg inventèrent le hamburger. Au départ avec pour base des tranches de porc rôti, puis de la viande hachée. Il est probable que la recette fut importée aux Etats-Unis par les marins allemands au 19e siècle. Et depuis, derrière ce terme de hamburger se cachent une variété toujours grandissante de sandwich, consommés en toutes occasions et par tous types de personnes : du cadre dynamique en costard qui a 20 minutes pour bouffer à la mamie venue faire plaisir à ses petits enfants en passant par les bandes de djeun’s avec ou sans casquettes…

Emulsifiant, E 472e (esters monoacétyltartriques et diacéthyltartriques des mono et diglycérides d'acides gras), E 471 (mono- et diglycérides d'acides gras), E 481 (stéaroyl-2-lactylate de sodium), acide ascorbique E 300, E 516 (sulfate de calcium gypse = plâtre de Paris), E 262, E 210, E 327 (Lactate de calcium). Voilà tous mes préférés ! Toutes ces molécules au nom de code sympathique ont contribué à associer le hamburger à la malbouffe. Image forgée par ses détracteurs et globalement, ils n’ont pas tord. De Supersize me à Fast Food Nation, le propos diffère mais l’idée de fond reste la même : le hamburger c’est de la merde. Et pourtant hier soir en revenant de la gare, j’ai cédé à la facilité d’un menu best of, par flemme de préparer la vinaigrette qui aurait peut-être permis de sauver la laitue qui flétrit depuis dans le bac à légumes. Après avoir avalé mon menu, j’ai eu cette sensation désagréable de transpirer la graisse des frites par tous les pores de ma peau. J’avais l’impression que des morceaux de hamburger s’étaient greffés dans mes joues. Le métabolisme n’était pas encore commencé que déjà, je m’imaginais opérer une métamorphose en bibendum, pour avoir ingéré deux malheureux sandwichs.

Et malgré tout, une fois par mois, ça demeure un plaisir : Mc Deluxe + BigMac, cette association qui a donné ses lettres de noblesse au fast food (en l’absence totale de Burger King sur le territoire français). Ne venez pas me parler de Quick, ces charlots du hamburger qui ont osé retirer de leurs préparations les gigantesques rondelles de cornichons génétiquement modifiés. C’est comme si un restaurateur rennais décidait de retirer la saucisse de sa galette saucisse ! C'est un peu comme si le mécène de Wolfgang Amadeus Mozart lui avait demandé de supprimer le Lacrimosa de son Requiem sous prétexte qu'il n'aime pas les choeurs féminin. C'est comme Kiss sans maquillage, Europe sans The Final Countdown, Astérix sans Obélix. D’abord parce que j’apprécie cette touche d’aigreur qu’insufflent ces rondelles subrepticement intercalées entre viande et salade. Et puis surtout, avec ces cornichons on gagnait à observer les gens manger. Grâce à eux, il existe presque une sociologie du fast food, tant le cornichon en rondelles semble générer une variété de comportements assez étranges chez le consommateur.

Il y a ceux qui détestent ça. Ils en ont même presque peur. Le cornichon, c’est la verrue immonde sur un pied délicat, la cerise confite dégueulasse au dessus du baba au rhum, le riz soufflé dans le chocolat au lait. Ils hurlent à l’horreur à la vue d’un bout de rondelle de cornichons et préfèrent donc le Quick. Il y a ceux qui détestent ça mais qui, pour une raison qui m'échappe, commande quand même un Royal Cheese, le démolisse alors avec leurs grosses papattes, y plonge leurs doigts plein de ketchup (ceux qui ont astiqué les barres bien grasses du RER), tout ça pour extraire toute végétation suspecte du dit sandwich avant de le reconstruire. Le Royal Cheese ne ressemble plus à rien. Enfin, il y a enfin ceux qui disent "les cornichons dans les hamburger, j'trouve ça cool", cette dernière école se réclamant davantage d'une influence « mc doienne ». Comme toute oeuvre d'art, cette symphonie gustative qu'est le Big Mac n'est ce qu'elle est que parce que chacune de ses parties concordent à l'élaboration d'un tout. Et ce tout doit beaucoup aux cornichons.

27 octobre 2007

Dis moi ce que tu écoutes, je te dirais qui tu es

« Quelques-unes de mes chansons préférées : Only love can break your heart de Neil Young, Last night I dreamed that somebody loved me des Smiths, Call me d’Aretha Franklin […] J’ai écouté certaines de ces chansons une fois par semaine en moyenne (c’est-à-dire trois cent fois le premier mois, et ensuite une fois de temps en temps), depuis l’âge de seize ans, ou dix-neuf, ou vingt et un ans. Peut-on en sortir sans une blessure quelque part ? Comment ne pas devenir ainsi le genre de type qui tombe en miettes quand son premier amour tourne mal ? Quelle fut la cause, et quel fut l’effet ? La musique, ou le malheur ? Est-ce que je me suis mis à écouter de la musique parce que j’étais malheureux ? Ou étais-je malheureux parce que j’écoutais de la musique ? Tous ces disques, ça ne peut pas rendre neurasthénique ?

Les gens s’inquiètent de voir les gosses jouer avec des pistolets, les ados regarder des films violents ; on a peur qu’une espèce de culture du sang ne les domine. Personne ne s’inquiète d’entendre les gosses écouter des milliers – vraiment des milliers – de chansons qui parlent de cœurs brisés, de trahison, de douleur, de malheur et de perte. Les gens les plus malheureux que je connaisse, sentimentalement, sont ceux qui aiment la pop music par-dessus tout ; je ne sais pas si la pop music est la cause de leur malheur, mais je sais qu’ils ont passé plus de temps à écouter des chansons tristes qu’à vivre une vie triste. A vous de conclure. » 

Ce texte est un extrait de Haute Fidélité, de Nick Hornby. Sans être totalement d’accord avec ce qu’il écrit, je trouve néanmoins l’observation bien sentie. Elle rejoint en tout cas une conviction profonde : on peut connaître quelqu’un en observant les cd qu’il possède chez lui. Pas forcément grâce à l’analyse des disques qu’il a acheté et que donc, sans doute, il écoute. Mais aussi par exemple à sa façon de les ranger : par ordre alphabétique, par période, par style, par un classement personnel incompréhensible pour tout autre personne que le propriétaire lui-même... Bref, une anodine étagère croulant sous les albums en dit plus sur quelqu’un que bien des phrases, pour peu que l’on sache observer.

Pour cette raison, j’ai la « mauvaise » habitude de fouiner chez les gens, en quête des cd qu’ils possèdent. Ca remonte à loin. Déjà enfant, alors que les tapis imprimés du salon constituaient pour ma collection de petites voitures un espace de jeu idéal, j’ai rapidement tiré les vieux vinyles de mon père des étagères que j’avais sous les yeux. Et depuis, cette envie incoercible de farfouiller dans l’intimité sonore de mes proches et moins proches. Déjà parce que j’aime tellement la musique qu’il serait difficile d’envisager un deuxième rendez-vous avec une fille qui collectionne les albums de Tina Arena, mais ignore Lou Reed ou Hendrix. Ensuite parce qu’un pote qui n’a pas le moindre cd chez lui est forcément quelqu’un dans la détresse qu’il faut aider, enfin parce qu’avec Turn ! Turn ! Turn ! de The Byrds, Sticky Fingers des Rolling Stones, Pet Sounds des Beach Boys, Marquee Moon de Television ou It’s a Wonderful Life de Sparklehorse, je n’aurais pas à faire semblant de passer une bonne soirée. Certains dévisagent des pieds à la tête, d’autres s’intéressent à la bibliothèque, d’autres encore se contentent d’observer silencieusement, moi je m’approche discrètement des cd et y passe au crible les artistes regroupés sur la colonne.

    Aussi lorsque s’y trouve Forever Changes du groupe Love, je sais déjà qu’une amitié profonde et sincère risque de naître. Et pour peu que l’inspiré propriétaire de l’album ne soit pas un rockeur has been aux cheveux gras sentant la clope froide, je ne suis pas à l’abri de tomber éperdument amoureux. Il y a des albums comme ça… Peut-être ami lecteur trouves-tu qu’il y a là une certaine forme de snobisme à considérer cet album méconnu comme le signe le plus éclatant de l’humanité d’une personne. Il y a de ça quelques années, moi aussi j’étais ignorant. Pendant vingt quatre ans pour être exact. Vingt quatre années sans connaître l’existence d’une chanson comme Alone again or. Cette pensée me rendrait presque triste. L’histoire du rock est cruelle. Elle oublie dans sa traîne certains de ses diamants les plus brillants. Ce disque créé en 1967, en pleine Guerre Froide est en fait le testament sonore d’Arthur Lee, personnage obnubilé par le conflit et hanté par l’idée d’une issu fatalement apocalyptique. Il se shoote donc toute la journée et pendant ses intermèdes de lucidité façonne des joyaux de rock psychédélique : The Red Telephone, Old Man… autant de chansons imparables. Mais il y en a une qui s’élève au dessus de toute les autres, avec ses arrangements de cordes et de cuivres méxicains : Alone Again Or. La pop music peut aussi remettre du baume au cœur.

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