Nouvelle scène
Ah la nouvelle scène française ! Ces
artistes qui osent se parer du titre de chanteurs à textes, revendiquant le
monopole du verbe. Ces maestro de la plume, plume qu’ils n’hésiteront pas à se
foutre dans le cul pour peu que cela devienne à la mode avant la fin de l’année.
Je ne sais pas ce qui est le plus indécent : que vous osiez-vous prétendre
chanteur ou que vous affirmiez savoir écrire ? Si l’on s’en tient à la
définition rigoureuse du petit Larousse, il semblerait que les Bénabar, Renan Luce, Grande Sophie et autres Ridan aient le droit de se considérer comme des chanteurs. Finalement,
ils récitent des mots qui riment dans un micro, sur une mélodie et en rythme, pour
les plus brillants d’entre eux. Quand tant d’autres brament, ils chantent. Et même
plutôt juste. L’effort mérite d’être souligné. Les orchestrations sont assez
pauvres, mais dans le semi désert de la production française, ils ressemblent à
des oasis d’innovations. Et la jeunesse alternative et festive vient s’y abreuver.
Tout n’est pas à jeter d’ailleurs. Bénabar
a su écrire quelques textes bien sentis et sur ces premiers albums accrocher l’auditeur.
Mais peut-on décemment considérer ces gratteux comme des chanteurs à texte,
quand leur seul talent est d’avoir mis trois notes de musique sur les petites choses
du quotidien dont tout le monde se branle ? Exemple :
« On
appelle, on s’excuse, on improvise, on trouve kek’chose, on a qu’à dire à tes
amis qu’on les aime pas et pi tant pis ! Allez viens on n’y va pas, on a
qu’à se cacher sous les draps, on commandera des pizzas toi la télé et
moi ! »
Bon… Je n’ai pas retenu grand-chose des
cours d’orthographe - car oui, cher lecteur, aussi difficile à croire que cela
puisse te paraître, j’ai essayé dans mes jeunes années d’apprendre l’orthographe
- il subsiste donc dans mon cerveau de vastes no man’s land où se perdent parfois un « s », un
« t », un accord des participes passés ou un subjonctif. Mais s’il y
a bien une chose dont je suis sûr, c’est que « on est un con » !
Je vous laisse compter le nombre de cons rencontrés entre le lit et la télé de Bénabar.
« Ah mais pour contester,
il reste Zazie ou Luke ou Damien Saez quand même… »
Qu’un adolescent pense cela, ok… Il a encore
le temps de mesurer l’étendu de son malheur. Dans quelques années il souhaitera
que les trois tireurs d’ambulance susnommés en prennent pour 100 ans de prison
ferme et insonorisée ! Alors quoi ? La chanson française c’était
mieux avant ? J’en ai bien peur. Ceci étant, les talents ne manquent pas,
mais la chanson française a changé. Elle est moins corrosive, moins
provocatrice, moins dérangeante. Le talentueux Delerm le dit lui-même : la chanson n’est pas le meilleur
terrain pour contester. Ce n’est pas son truc. Le génial Thomas Fersen préfère
les bestiaires fabuleux, les personnages baroques et les situations romanesques
aux injustices sociales et à la politique. Idem pour Camille. Pour autant, ces trois là enchainent les albums
excellents. Noir Désir n’est plus… Il
reste bien les Têtes Raides pour
gueuler un peu, mais la chanson s’aseptise elle aussi peu à peu. Elle n’est
pas épargnée par une lame de fond qui touche la société toute entière. "On" est peut-être déjà un vieux
con, mais en reécoutant ce qui suit, il ne peut que le regretter.